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Cazaubon: dans la tête des gagnants

Ce week-end du 17 avril marquait à Cazaubon le grand retour des Championnats de France Bateaux Courts.


Le lac de l'Uby avait fait le plein avec plus de 75 clubs venus de la France entière pour, enfin, participer à la compétition après deux ans d'annulations Covid.

La Société Nautique n'était pas en reste et les athlètes monégasques étaient fin prêts, deux semaines après leurs qualifications pour l'épreuve sous les neiges d'Aiguebelette.


Saluons bien haut les performances de Guillaume Blanc qui finit second, médaille d'argent et vice-champion de France en SH2-PR3 avec son collègue du RC Marseille, Rémy Taranto ainsi que celle de Lucas Fauché associé à Harry Fisher de St Cassien en deux sans barreur J18 qui décroche une médaille de bronze obtenue à l'issue d'un enlevage d'anthologie.


Et puis il y a la finale A Deux sans barreur Senior Homme poids léger. Une course d'ores et déjà entrée dans l'histoire de la Société Nautique de Monaco puisque remportée par deux de ses sociétaires. Retour sur cette course de l'intérieur avec ses deux vainqueurs, Ludovic Dubuis et Paul Mosser.




Depuis combien de temps ramez-vous ensemble?

Ludovic Dubuis:

Avec Paul, nous avons commencé à ramer ensemble en 2018. Sur les Bateaux Courts à l'époque, nous avions gagné la finale B ce qui est toujours un peu énervant. L'année suivante, en 2019, nous terminions cinquième de la finale A, preuve que nous pouvions nous améliorer. Nous nous étions fixé un podium comme objectif pour 2020. Nous nous sommes entraînés d'arrache-pied dès septembre, mis au régime dès décembre pour finalement voir nos efforts être réduits à néant par le confinement et les annulations dues au Covid. En 2021, nous nous remettons dans les starting-blocks, affûtons nos entraînements tant physiques que psychologiques, re-régime en décembre et, rebelote, annulation.

C'est très frustrant.

Mais nous avons remis ça cette saison. Entraînement de septembre à avril, régime de décembre à avril et, enfin! Nous avons pu faire ce pour quoi nous nous sommes entraînés depuis 3 saisons: courir les Championnats de France Bateaux Courts.

Paul Mosser:

Techniquement, depuis 2011 ! Quand on s’est rencontré pour la première fois avec Ludovic, c’était pour préparer la Coupe de France cadet en mai 2011. On préparait un 8+ à ce moment-là et on avait gagné notre première finale…D !

En parallèle, on était aussi concurrents car lui et moi étions déjà en deux sans barreur cadet aux Championnats de France 2011 (avec Loic Targoni ils terminent 10e et Ugo Fieschi et moi 9e). On se connaissait donc seulement en tant qu’adversaire.

Six ans plus tard, lors du début de saison 2017-2018, lorsque j’étais encore licencié au Club Nautique de Nice, plusieurs de mes ex-coéquipiers quittaient le club vers de nouveaux horizons. C’est alors que Ludovic m’a contacté afin de rejoindre le groupe sénior de Monaco qui commençait à se mettre en place. Je n’ai pas hésité une seule seconde.

On a commencé à s’entraîner ensemble sans avoir de réels objectifs de performance. Juste ramer pour le plaisir et faire quelques courses. Mais on s’est vite rendu compte de deux choses : on pense pareil au même moment ET on est des compétiteurs avant tout. Ramer pour le plaisir, c'est performer, même à notre niveau.

Nous avons donc décidé de faire les Championnats Bateaux Courts de 2018 en deux sans barreur poids-léger : on était sur la même longueur d’onde, sur la même façon de faire, de voir les choses et on partageait les mêmes envies. On gagne alors la petite finale, synonyme de 7e place nationale. C’était parti.

L’année suivante, en 2019 on souhaite remettre le couvert avec pour objectif principal de rentrer en grande finale. Mais, petit point non négligeable, une opportunité professionnelle me fait déménager à 1200km de Monaco pour arriver à Bruxelles. Jamais évident quand on prépare un deux sans barreur. Cependant, cela ne nous a jamais démotivé. Au contraire, on se faisait déjà énormément confiance pour s’entraîner chacun de son côté et on allait profiter de chaque petit kilomètre ensemble lors de mes retours au pays.

Objectif rempli, on se qualifie pour la finale A des Championnats de France bateaux-courts, et on prend la 5e place nationale.

Motivés comme jamais, on sent qu’il est possible de faire mieux : monter sur le podium pour la saison 2020. On enchaîne les entraînements, on progresse, on perd du poids et malheureusement la Covid fait son apparition alors qu’on était au top de notre forme. Aux vues des évènements, on a vite relativisé et les temps de confinement nous ont finalement permis de progresser comme jamais physiquement et psychologiquement là où nous avions plusieurs points faibles. Sauf que.. rebelote l’année suivante ! En 2021, nous venions de faire pour la deuxième fois un régime très strict pour « rien » et nous étions fatigués d’espérer pouvoir courir les Championnats… Il y a eu une très grosse période de doute à ce moment-là. Allions-nous continuer ? Est-ce que tout cela était nécessaire ? Est-ce que finalement on avait tant progressé que ça ?

Grande éclaircie dans ce ciel Covidé : les Championnats de France Sprint 2021 auront lieu en juillet ! Quoi de mieux pour reprendre l’entraînement à bloc pour un évènement plus fun, et prendre notre revanche sur les Championnats de France Sprint de 2019 où nous avions terminé loin de nos espérances avec une 6e place.

On prend alors notre première médaille nationale en rivière en terminant Vice-Champion de France : rien de mieux pour relancer la machine et repenser aux Championnats de France Bateaux-Courts de l’année suivante (et aux 20 kilos cumulés à perdre aussi...).


Dans quel état d'esprit êtes-vous arrivés à Cazaubon?

Ludovic:

Nous étions rassurés... Quinze jours plus tôt à Aiguebelette, c'était moins ça. Je venais de me casser le pied et malgré les entraînements, je ne savais pas si j'allais pouvoir courir proprement. La première course a alors été un test, nous avons fait une super série et un super chrono. On s'est dit que tout n'était pas mort et on a pris la confiance tout au long du week-end. Un peu trop peut-être parce que pour la finale du dimanche, nous n'avons pas su gérer correctement la course et nous nous sommes laissés dépasser par le bateau d'Aiguebelette.

Mais nous avons tiré les enseignements de nos erreurs et lorsque nous sommes arrivés à Cazaubon, nous étions dans un état d'esprit différent. Nous avions décidé de faire le job "pour nous", donner ce qu'on pouvait, rester concentrés, ramer proprement tout en essayant de faire preuve d'intelligence. Nous nous sommes enfermés dans une bulle de concentration et avons réalisé de bons chronos tout au long de la compétition. Chaque course était une nouvelle remise en cause. Arrivés en demi-finale, nous nous sommes retrouvés face au bateau qui nous avait fait rater la première marche à Aiguebelette. Mais nous avons bien géré et avons terminé en finale où nous étions le bateau à abattre.

C'est très différent d'être celui qui peut gagner par rapport à celui qui rame bien mais qui ne fera probablement pas premier. On doit rester concentrés parce qu'on sait que tout le monde va essayer de s'aligner sur nous. Nous avons décidé de ramer pour qu'à l'arrivée, quel que soit le résultat, nous soyons satisfaits de nous-mêmes.

Nous étions face au bateau tenant du titre, réputé partir vite mais que nous pouvions remonter. Finalement, nous sommes partis plus vite qu'eux et nous nous sommes retrouvés derrière Toulouse qui a surpris tout le monde par ses performances. Malgré tout, nous étions toujours un peu en stress de voir Boulogne partir à l'attaque et nous déborder mais l'attaque n'est jamais partie et nous avons su rester mobilisés.

En seconde partie de course, nous décidons de miner le moral de nous poursuivants en accélérant. A l'enlevage, nous débranchons nos cerveaux et donnons tout. Nos efforts payent et nous dépassons Toulouse. Nous sommes champions de France mais surtout nous avons donné un excellent aviron. Nous sommes fiers de notre course et du parcours réalisé.

Paul:

On était d’abord rassurés d’avoir pu faire les Championnats de Zones !

Le jeudi 10 mars, j’étais à l’entraînement sur l’ergomètre lorsque mon téléphone se met à vibrer sans arrêt. Entre deux séries, j’attrape mon téléphone pour voir plusieurs messages de panique de Ludovic. La veille au travail, il avait fait un faux mouvement avec son pied et les résultats de l’analyse étaient formels : fracture du 5e métatarse et détachement osseux.

On devait faire notre retour en 2- lors de la tête de rivière de Marignane la semaine suivante. Impossible pour Ludo qui a besoin de repos et je pars donc en skiff.

C’était horrible! Pourquoi maintenant ? Pourquoi après toute la période d’annulation liée au Covid fallait-il que l’un de nous deux se blesse.. ?

Mais c’était sans compter sur la motivation à toute épreuve de Ludovic : on allait faire les Championnats de Zones.. et son pied a tenu le coup !

Un grand moment de le voir embarquer et débarquer aux pontons avec les béquilles et son attelle dans la neige...

Sportivement, on retrouve nos sensations en bateau et on sent que physiquement on est en place et qu'on a les armes pour se battre. La série se passe bien et nous met en confiance pour la finale du lendemain. Un peu trop puisque nous passons totalement à côté de celle-ci! Nous terminons deuxièmes alors que nous aurions pu gagner. En revenant au ponton on a discuté des erreurs que nous avions commises et nous nous sommes remis en question : c’était notre faute, et cela ne se reproduirait pas quinze jours plus tard.

Nous sommes donc arrivés à Cazaubon dans un bon état d’esprit. Le pied de Ludo allait mieux, nous avions fait une bonne préparation et nous nous sentions mieux sorties après sortie.

Nous étions prêts à nous battre.


A quoi pense-t'on quand on passe la ligne d'arrivée en vainqueur?

Ludovic:

C'est l'explosion de joie, bien sûr et puis tu penses à tous les efforts et aux privations qu'il t'a fallu pour arriver jusque là. J'ai repensé à la trouille que j'ai eue lorsque je me suis cassé le pied et où je me suis demandé si j'allais pouvoir courir à mon maximum ou si j'étais maudit sur les bateaux courts... C'est une belle revanche sur ces années Covid et sur ceux qui ne croyaient pas en moi mais c'est surtout un très grand bonheur et une grande satisfaction. C'est l'aboutissement de plusieurs années d'effort et ce sentiment n'a pas de prix.

Paul:

Pour répondre à cette question, je vais encore remonter un peu en arrière.

Avec Ludovic, on a passé nos vies de rameur à être des outsiders. Finalement, des courses, on n’en a pas gagné tant que ça et on n’a jamais été les favoris. Et ça tombait bien, la dernière course que nous venions de faire, on ne l’avait pas gagnée non plus !

Pour la première manche des Championnats de France (parcours contre la montre) on réalise un bon parcours, bien concentrés sur nous et sur la glisse de notre bateau. Je commets cependant une faute dans le troisième 500m qui me fait perdre mon compte-cadence!

On franchit la ligne sans connaître notre temps, mais on a le sentiment d’avoir bien fait. Verdict en arrivant au ponton : 1er temps au général avec 4 secondes sur les deuxièmes du classement.

Super, première étape de passée.

On connaît cette épreuve, et on sait que dans l’adversité le classement peut vite être chamboulé. On ne prête donc pas attention au classement mais aux sensations qu’on a eues lors de cette première course pour aborder les séries de l’après-midi. Nous allions rencontrer un adversaire de taille, Mâcon, médaillé de bronze en 2018 et d’argent en 2019. Parfait pour voir si nos progrès étaient au rendez-vous. Et nous gagnons notre série avec dix secondes d’avance! Au passage, nous gardons le premier temps de l’ensemble des séries avec une seconde d’avance sur les favoris et tenants du titre (Boulogne 92).

Le lendemain, place aux demi-finales : il n’y a rien à gagner, mais il est possible de tout perdre.

Et sur qui nous tombons pour cette course ? Nos adversaires d’Aiguebelette qui ont remporté les Championnats de Zones. Parfait pour prendre notre revanche et voir si nous sommes à la hauteur cette fois-ci. Et la bataille fut au rendez-vous : c’est seulement dans les derniers 300m que nous avons pu prendre le lead et remporter notre demi-finale. Encore une fois, nous gardons le premier temps au général toujours avec une petite seconde d’avance. La densité sera au rendez-vous pour la grande finale.

Dimanche 17 avril. On attaque la journée avec notre routine habituelle : réveil musculaire, café, pesée officielle et enfin, manger un peu. La course des deux sans barreur junior allait se dérouler juste avant que nous commencions notre échauffement. Nos regards étaient rivés sur nos écrans pour connaître l’issue de la bataille pour la 3e place de Lucas. Et quel enlevage ! Quoi de mieux pour nous mettre dans l’ambiance que de voir Lucas sur le podium. Pourquoi pas nous ?

10h40, finale du deux sans barreur poids-léger. On s’est remis en question, on a mis de côté tout ce qui s’est passé ce week-end et on s’aligne pour faire la course pour nous. Quoi qu’il puisse se passer, nous devons sortir satisfaits du bateau. Avoir le sentiment d’avoir tout donné, d’avoir fait tout ce qui était à notre portée pour faire le meilleur résultat possible.

Le départ est donné. On part vite comme on sait le faire sans en rajouter et on se rend compte qu’on est à la hauteur des tenants du titre. En passant le premier 250m de course, nous avons même une petite pointe d’avance sur eux, mais une pointe de retard sur les Toulousains, partis en trombe à la ligne d’eau 1 prêts à tout pour dynamiter la course. Cependant, cela ne nous inquiète pas, ils avaient déjà fait le coup en demi-finale. On se concentre donc sur nous, notre rythme, notre technique en se détachant du reste du groupe coup après coup. A la mi-course, on se remobilise et on se sent bien : les jambes répondent à chaque relance de nos concurrents et nous nous détachons à chaque coup un peu plus : tout le travail physique et psychologique que nous avions fait depuis 2019 portait ses fruits dans ce troisième 500m. Au passage du 1500m, on remarque que Toulouse, à notre droite, n’est plus qu’à une demi-longueur de nous.

C’est à ce moment que nous savons que c’est possible.

Qu’il est possible d’avoir une médaille mais qu’il est possible d’avoir encore mieux.

Notre force a toujours été les derniers mètres de course, le sprint final.

On commence à monter d’un cran la cadence et à un peu plus serrer les bouillons sur l’arrière.

Au passage des 300 derniers mètres, Ludo m’indique que c’est maintenant. Maintenant qu’il faut partir, prendre l’avantage et creuser l’écart jusqu’à la ligne. On passe nos adversaires et alors qu’il reste encore quelques coups, on sait qu’on va le faire, que personne ne viendra plus nous chercher. On a mal, mais ce sont sûrement les meilleurs coups de pelles de notre vie et on en profite.

On franchit la ligne d’arrivée et le bip final sonne comme une délivrance.

Pour ma part, c’est l’explosion de joie : tout le travail effectué depuis 2018, toute la progression, tous les sacrifices ont payé. Un rêve de gosse qui se réalise : être Champion de France en rivière, sur 2000m, aux bateaux-courts et avec son meilleur pote. On fait ce qu’on a vu les autres faire pendant des années : une interview avec Sébastien Roure (la panique parce qu’on a aucune idée de quoi dire sur le coup), la cérémonie protocolaire, la réception des médailles et du célèbre fanion.

On pense alors à tout le chemin parcouru ensemble, que ce soit à l’aviron et en dehors de l’aviron, à l’aventure entière avec ses hauts et ses bas, où on s’est toujours soutenu quoiqu’il arrive.

Ce titre a une valeur plus forte que son aspect sportif : il représente l’amitié, la vraie, la nôtre.


Quels sont vos prochains objectifs?

Ludovic:

J'arrête le régime! Cela dit, je suis toujours en préparation: j'ai la sélection en équipe de France de Beach Rowing qui arrive (NDLR: 7 mai à la Seyne-sur-Mer). J'espère intégrer à nouveau l'équipe cette année. Au club, j'aimerais bien qu'on monte un 8 sérieux, un équipage qui donne envie à d'autres de nous rejoindre, avec une rame propre et une bonne ambiance. Un groupe soudé qui fasse du bon travail. Et si en plus nous arrivons à gagner, pourquoi pas.

En aviron de mer, j'aimerais bien conserver mon titre en 4 de couple. A moi de m'en donner les moyens...

Paul:

Pour le moment, manger !

Sportivement, on essaie de monter un 8+ sénior au club et je suis hyper motivé par ce projet. Ça permet de créer une émulation saine au sein du club, de pouvoir s’entraîner tous ensemble (de près ou de loin) et d’aller chercher des résultats avec une équipe soudée ! Un projet à long terme j’espère.

Je souhaite toujours continuer à gagner en mer, mais les Championnats du Monde d’aviron de mer (Beach Sprint ou Coastal) restent une priorité pour moi. Réussir à monter sur le podium ou viser le titre serait incroyable. J’étais tellement fier de Ludo quand il est devenu Vice-Champion du Monde de Beach Sprint l’année dernière ! Je tenterai les sélections l’année prochaine, en 2023, car je considère ne pas avoir le niveau cette année (le régime m’a beaucoup impacté).

Enfin, j’aimerais aussi m’essayer à une autre discipline sportive, vers le triathlon !





Pour voir ou revoir cette journée de finale des Championnats de France Bateaux Courts de Cazaubon, suivez le lien:

Course de Lucas à 22:30

Course de Ludovic et Paul à 1:39:00

Course de Guillaume à 2:12:00









Finale A Deux sans barreur Senior Homme poids léger (Course de Ludovic et Paul):


Finale A Deux sans barreur Senior Homme PR3 (Course de Guillaume):


Finale A Deux sans barreur Junior J18 Homme (Course de Lucas):


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